
07 décembre 2023
Marie-Hélène Therrien
Nos meilleurs amis sont les morts
Publié aux éditions Québec Amérique, est un roman de Jean Lemieux qui signe, avec ce nouveau chapitre de la série Surprenant, le septième volet des enquêtes du sergent-détective. En plein printemps érable, alors que gronde la colère étudiante, les meurtres se succèdent à Montréal. André Surprenant, flic aguerri, se retrouve à investiguer sur une série de crimes perpétrés dans une métropole bouleversée par les affrontements entre les forces de l’ordre et les manifestants. Tout débute avec la découverte du cadavre de Jean-Claude Ladouceur, 57 ans, sans dossier criminel, membre de la Chambre des notaires depuis 1979. Deux patrouilleurs du poste 27 avaient répondu à un appel 911 passé par l’épouse : au retour du travail, elle avait trouvé son mari assassiné au sous-sol. L’homme semblait avoir été assommé puis égorgé. Fait curieux, un carré de tissu rouge gisait sur le tapis à deux mètres du mort. Surprenant doute du lien entre les manifestants étudiants et ce meurtre sordide : le mort a été saigné comme un cochon. Entre une veuve troublante qui semble peu affectée par le meurtre de son mari, un promoteur immobilier haut en couleur, un patron louche et un banquier douteux, Surprenant est entraîné dans une affaire complexe, dont les ramifications s’étendent au-delà des années 2010 et de Montréal. Plus il s’approche de la vérité, plus sa sécurité et celle de ses proches sont menacées. Et ce qui semblait évident au départ s’efface pour révéler le fond de l’histoire, une de celles qui s’écrivent en lettres aussi rouges que les carrés ornant la poitrine des révoltés. À 51 ans, Surprenant, intelligent et profondément humain, est un flic un peu vieilli mais toujours aussi alerte, prêt à écouter sa jeune coéquipière et à se remettre en question, posant un regard critique sur la société et les gouvernements en général, et sur la police en particulier : « L’argent sale finançait le trafic d’armes, le terrorisme maintenait au pouvoir des dictateurs, favorisait les bulles immobilières, pourrissait des partis politiques, accentuait les fractures sociales, en un mot déstabilisait les démocraties. » Ce nouveau roman réunit toutes les qualités d'un excellent polar : histoire riche en rebondissements, protagoniste, mystérieux, intrigue menée au corps de tours, écriture qui se déploie tout en finesse et en subtilité. Une lecture qui nous fait voir que les « petits » méchants sont souvent punis alors que les vrais, eux, s'en sortent les mains blanches… Un excellent suspense de Jean Lemieux dont le premier tome sera bientôt adapté en télésérie.
Les champs penchés
Publié aux éditions du Boréal est un roman de Virginie Blanchette-Doucet qui embrasse deux continents et trois générations, de l’Ouest canadien à la Nouvelle-Zélande. Avec une écriture poétique et envoûtante qui évoque les chemins mystérieux qu’empruntent les souffrances et non-dits enfouis au plus profond du corps, Virginie Blanchette-Doucet raconte l’histoire de Neil, charismatique et colérique, installé dans une grande maison entourée d’un jardin à moitié sauvage, plantée au milieu des champs qui s’inclinent doucement vers l’océan Austral. C’est là que l’homme a échoué, après les pérégrinations de sa jeunesse qui l’ont amené là depuis le Manitoba où il est né. En chemin, il a cueilli la douce Judith, qui est devenue sa femme et la mère de leur fille unique, Alyssia, poussée vers l’autodestruction par une force mystérieuse. À Ashurst, depuis qu’il a ouvert son cabinet d’ostéopathie, Neil a pris l’habitude d’installer des patients chez lui. Ils ne restent, pour la plupart, que quelques semaines, le temps que ses mains terminent leur œuvre de guérison, puis ils repartent. Ce n’est pas le cas de Leslie, une demi-sang maorie. Voilà quinze ans qu’elle partage la vie de Neil et de Judith, et rien ne laisse présager qu’elle s’en ira. Pourtant, il y a longtemps que sa blessure à la hanche ne la taraude plus. Ce livre évoque aussi bien la lumière coupante comme le diamant des Prairies canadiennes que celle, crépusculaire, qui baigne les rivières déchaînées et les montagnes de Nouvelle-Zélande. La romancière y fait résonner le chœur de toutes les mémoires qui refusent de mourir.
Commentaires(0)